Si d'aventure vous empruntez la RD 724 qui longe la 4 voies entre Josselin et Ploërmel, sachez que vous pénétrez dans un haut lieu d'Histoire.
Aucun panneau n'indique l'emplacement de la colonne, mais au lieu-dit « La Pyramide », elle ne peut pas vous échapper. N'hésitez pas à vous arrêter en bordure de la route et à pénétrer dans l'enclos, propriété du Conseil Général. De toute façon, il n'y a plus de portail. Au printemps, les camélias et les rhododendrons vous feront une haie d'honneur jusqu'à l'obélisque. Mais c'est en automne que ce lieu revêt un charme tout particulier avec les nombreux arbres en tenue d'apparat.
L'obélisque, fier de ses 13 mètres de haut et de ses blocs de granit domine, depuis 1823, cet ancien champ de bataille.
Savez-vous que c'est ici qu'eût lieu, lors de la guerre de succession de Bretagne, un combat épique opposant les partisans de Blois en résidence à Josselin et soutenus par la France, à ceux de Montfort occupant Ploërmel et appuyés par la couronne d'Angleterre ?
Jean III de Beaumanoir, maréchal de Bretagne, capitaine de Josselin, indigné des exactions de Robert Bamborough rencontre ce capitaine anglais dans sa place forte de Ploërmel. Leur discussion s'envenime et les deux belligérants se lancent un défi dans lequel ils participeront accompagnés chacun de trente hommes. Rendez-vous est pris pour le samedi 26 mars 1351.
Le jour dit, après avoir ouï la messe, tous se retrouvent au chêne de la lande de Mi-Voie, sur la paroisse de Guillac. Chaque chef encourage ses hommes. Chacun revêt son armure, fourbit ses armes. Le début du combat est confus. Deux compagnons de Beaumanoir sont tués alors que trois autres sont blessés et faits prisonniers. Cette situation renforce la détermination du capitaine blésiste qui encourage ses hommes et redouble ses coups. Les Bretons, ainsi dynamisés, se ressaisissent et abattent deux Anglais.
Mais la bataille est éprouvante.
Les hommes de chaque côté sont fatigués et d'un commun accord décident d'un moment de trêve pour se reposer, boire du vin d'Anjou et nettoyer leurs plaies. Profitant de cette pause, l'écuyer Geoffroy de La Roche demande à Jean de Beaumanoir d'être adoubé comme chevalier. Il obtient satisfaction en mémoire de son père, Budes de La Roche, héros des croisades. Fort de cet honneur, le nouveau chevalier se relève, relance l'ardeur des Bretons et provoque les Anglais.
Le combat reprend. Les hommes se prennent aux bras comme à la lutte et se frappent sans s'épargner. Le capitaine anglais, sûr de sa victoire d'après une prophétie de Merlin, essaie d'impressionner Beaumanoir. Ce dernier invoque Dieu et St Yves pour lui permettre d'occire son adversaire et reçoit l'aide d'Alain de Keranrais qui frappe de sa lance le visage de Bamborough. Celui-ci se relève et veut riposter. Geoffroy du Bois, l'en empêche par un coup de hache en pleine poitrine. Bamborough tombe à terre, mort. La bataille s'arrête.
Les Anglais stupéfaits se donnent un nouveau chef, Croquart qui, raillant les croyances du défunt, relance le combat dans un affrontement en ligne. Les Bretons revigorés opposent une forte résistance. Quatre combattants Ploëmelais sont tués alors qu'en face Geoffroy Poulard ne se relève pas et que Beaumanoir est blessé. Il souffre et perd ses forces d'autant que le matin même il a décidé de faire jeûne, se privant de toute nourriture et boisson. Tandis que le sang s'échappe de sa blessure, il demande à boire. Geoffroy du Bois lui répond « Bois ton sang, Beaumanoir, et la soif te passera. » Entendant son compagnon, le capitaine se remet et redouble ses coups.
Les Josselinais prennent l'avantage
La bataille tourne à l'avantage des Josselinais qui entreprennent un mouvement tournant afin d'envelopper leurs adversaires. Ce voyant, Croquart et ses hommes, abrités derrière les écus, forment un bataillon carré hérissé de toutes leurs armes. Les Bretons essaient de pénétrer ce hérisson mais les Anglais ne faiblissent pas. Guillaume de Montauban, monte à cheval, laisse croire à sa fuite puis lance sa monture dans le « hérisson » où il réussit à renverser de nombreux ennemis. Ses compagnons profitent de cette ouverture et font un véritable carnage dans les rangs adverses. Les Anglais se rendent. Ainsi se termine le combat.
Il faut attendre 1811 pour que, sous l'influence de la chouannerie puissante dans le Porhoët, l'idée de l'érection d'un obélisque soit émise par le conseil d'arrondissement de Ploërmel. La première pierre de l'édifice est posée lors d'une cérémonie qui regroupe les autorités civiles, religieuses et militaires le 11 juillet 1819. Les travaux de l'édification de la colonne durent 4 ans et l'obélisque des Trente est inauguré le 6 juillet 1823 en présence d'une foule importante.